Chimamanda Ngozi Adichie a encore frappé. Son tout petit livre de quatre-vingt pages, Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, me reste là, dans la tête et dans le ventre. Rien à voir avec Americanah  dont je ne pouvais plus me séparer de peur de rompre le lien qui me reliait à  son héroïne Ifemelu. Triste de lire la dernière page, j’avais mis plusieurs semaines à réussir à me replonger dans un autre livre. Et voilà qu’une amie me prête Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe. « Tu verras, tu vas l’avaler en deux heures ». Certes, mais combien de jours pour le digérer ? Cette fois-ci, pas d’héroïne ni de suspens, juste une lettre à une amie. Toujours le même ton franc et le propos politique. Chimamanda Ngozi Adichie  rentre directement dans le vif du sujet, l’éducation féministe des petites filles, et au fil des « suggestions » le retourne dans tous les sens.

Et voici quelques extraits, en attendant qu’il soit offert à tous les parents à la sortie des maternités :

« C’est une bonne chose que son père s’occupe d’elle. Alors laisse-le faire, refrène ton perfectionnisme, fais taire ton sens socialement conditionné du devoir » […] « si les tâches liées à l’éducation de l’enfant sont équitablement réparties, tu le sauras. Tu le sauras parce que tu n’auras pas la moindre rancœur. Parce que quand l’égalité est réelle, la rancœur n’existe pas. »

« Et, je t’en prie, bannis le vocabulaire de l’aide. […] Quand nous disons que les pères « aident », nous suggérons que s’occuper des enfants est un territoire appartenant aux mères, dans lesquels les pères s’aventurent vaillamment. »

«  »Parce que tu es une fille » ne sera jamais une bonne raison pour quoi que ce soit. Jamais » […] « En refusant d’imposer le carcan des rôles de genre aux jeunes enfants, nous leur laissons la latitude nécessaire pour se réaliser pleinement. »

« Apprends-lui à questionner les mots. Les mots sont le réceptacle de nos préjugés, de nos croyances et de nos présupposés. Mais pour enseigner cela, tu devras toi-même questionner ton propre langage. Une de mes amies affirme par exemple qu’elle n’appellera jamais sa fille « princesse ». Les gens utilisent ce surnom avec d’excellents intentions, mais le mot « princesse » est chargé de présupposés sur la délicatesse de la petite, sur le prince qui viendra la sauver, etc. »

« Dis à Chizalum qu’en réalité les femmes n’ont pas besoin qu’on « défende leur cause » ou qu’on les « vénère » : elles ont juste besoin qu’on les traite en êtres humains égaux. Il y a quelque chose de paternaliste dans l’idée que les femmes ont besoin d’être « défendues et vénérées » parce que ce sont des femmes. Cela me fait penser à la galanterie, et le postulat de la galanterie, c’est la faiblesse féminine. »

« Nous apprenons aux filles à être aimables, gentilles, hypocrites, et nous n’apprenons pas la même chose aux garçons. C’est dangereux. Tant de prédateurs sexuels en ont tiré parti. Nombre de filles gardent le silence alors qu’on abuse d’elles parce qu’elles veulent se montrer gentilles. Nombre de filles perdent leur temps à essayer d’être « gentilles » avec des gens qui leur font du mal. »

« Pèse soigneusement ta façon d’aborder son apparence physique. » […] « Ne fais jamais de lien entre l’apparence physique de Chizalum et la morale. »

« Apprends-lui à questionner la façon dont notre culture utilise la biologie de manière sélective, comme « argument » pour justifier des normes sociales. »

« Parle-lui de sexe, et commence tôt. Ce sera sûrement un peu gênant, mais il le faut. »

« L’amour finira par arriver, alors arrange-toi pour être là. » […] Apprends-lui qu’aimer ce n’est pas seulement donner, c’est aussi recevoir. Ce point est important car nous transmettons des injonctions subtiles aux filles : nous leur enseignons qu’une part importante de leur capacité à aimer réside dans leur faculté d’abnégation. Nous n’enseignons pas cela aux garçons. »

« Quand tu lui apprendras ce qu’est l’oppression, fais attention à ne pas faire des opprimés des saints. Nul besoin d’être un saint pour avoir sa dignité. » […] « Les femmes sont humaines, tout autant que les hommes. La bonté féminine est tout aussi normale que la méchanceté féminine. »

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